Quel est l’intérêt des chaussettes de compression chez les sportifs ?

Quel est l’intérêt des chaussettes de compression chez les sportifs ?

Qu’apportent les chaussettes de compression chez le sportif ?

Des cas de phlébite chez les athlètes qui voyagent avant ou après une compétition

L’activation des facteurs de la coagulation après un marathon est moins importante chez les coureurs ayant porté des chaussettes de compression que chez ceux qui ont couru avec des chaussettes normales. Cette constatation suggère que le risque de faire une phlébite chez les athlètes qui voyagent après une compétition est plus faible s’ils ont porté des chaussettes de compression durant l’épreuve.

Des cas publiés

Plusieurs séries de cas d’accidents thrombo-emboliques survenant après une compétition ou une activité physique intense ont été publiées. On signale le cas d’une femme qui a présenté après une épreuve de triathlon, une phlébite avec embolie pulmonaire. Elle avait voyagé le lendemain matin durant cinq heures en voiture [1]. Une autre étude [2] rapporte le cas de trois marathoniens qui ont développé une phlébite avec embolie pulmonaire après la compétition. De tels exemples indiquent que chez un petit nombre de sportifs le risque de développer un accident thrombo-embolique est augmenté après un exercice d’endurance.

Après une course d’endurance, une activation de la coagulation et de la fibrinolyse

Une étude [3] a clairement établi qu’une course d’endurance active la coagulation (formation du caillot) avec une augmentation :
• du complexe thrombine-antithrombine ;
• de la prothrombine ;
• et des D-dimères.

En parallèle, on note une activation de la fibrinolyse (lyse du caillot). Chez des sportifs sains après une course, la formation d’un caillot est immédiatement contrebalancée par un phénomène de lyse. Chez certains sportifs après une course d’endurance, l’activation de la coagulation est plus importante que la lyse d’où l’augmentation du risque de faire un accident thrombo-embolique. La fréquentation des marathons en Amérique du Nord a augmenté de plus de 40 % en 10 ans. Plus de 500000 personnes ont participé à un marathon en 2014, d’où une augmentation du nombre d’accidents. Si le bénéfice apporté par des exercices physiques réguliers est indiscutable, les sports d’endurance augmentent le risque de phlébite chez certains individus prédisposés. Si on se fie à la triade de Virchow (stase veineuse, atteinte de la paroi veineuse et hypercoagulabilité) pour identifier les facteurs de déclenchement d’une phlébite, les sportifs sont exposés à des microtraumatismes répétés (lésions de l’endothélium veineux), une déshydratation (hypercoagulabilité) durant la course. Le tout est habituellement suivi d’une période de repos favorisant la stase veineuse…

Les voyages : un facteur aggravant reconnu

L’exposition à un voyage par train, voiture, autocar ou avion chez des athlètes en phase de récupération peut alors déséquilibrer la balance coagulationfibrinolyse. Une étude [4] a montré qu’après un voyage de plus de 4 heures chez les marathoniens, le risque de phlébite est multiplié par deux. Chez des marathoniens [5] ayant participé à un marathon et ayant pris l’avion durant plus de 4 heures pour se rendre sur le lieu de la course, des dosages des facteurs de la coagulation et de la fibrinolyse ont été effectués avant la course, lors de l’arrivée et le lendemain de l’arrivée après le vol. Immédiatement après la course, tous les facteurs de la coagulation étaient augmentés, témoins de l’activation de la coagulation (près du double d’un groupetémoin n’ayant pas pris l’avion). Fait plus important, les facteurs de la fibrinolyse n’étaient pas différents de ceux du groupetémoin n’ayant pas pris l’avion. Cette donnée est en faveur d’un état d’hypercoagulabilité dans le groupe des coureurs « avion + marathon ».

 

L’âge aussi

Les taux des facteurs de la coagulation étaient encore plus élevés chez les coureurs les plus âgés de ce groupe. L’âge semble bien être un facteur d’augmentation des facteurs de la coagulation chez les marathoniens [5]. 

 

Quelle est l’efficacité des chaussettes lors d’un marathon ?

Ces dernières années, le risque de développer une phlébite chez les athlètes d’endurance est de mieux en mieux connu du public averti. Les associations sportives et les organisateurs de course ont largement sensibilisé les sportifs à l’intérêt du port de chaussettes de compression durant les vols et les compétitions pour diminuer le risque de phlébite.

Sur le risque de phlébite

L’efficacité des chaussettes de compression pour atténuer les effets d’un marathon sur les facteurs de la coagulation n’a été étudiée que récemment. Dans une étude de 2015 [6], vingt coureurs ont été sélectionnés le jour précédent lors du retrait des brassards et répartis en 2 groupes. Un groupe a reçu des chaussettes de compression de 19-20 mmHg à la cheville. L’autre groupe a reçu la consigne de porter ses chaussettes habituelles sauf durant l’entraînement, la course et le lendemain. Les chaussettes de compression devaient être portées durant la course. Un prélèvement sanguin a alors été effectué pour mesurer les taux des facteurs de la coagulation et de la fibrinolyse. Des nouveaux prélèvements ont été effectués à l’arrivée et le lendemain de la course. Les taux de facteurs biologiques ne diffèrent pas dans les deux groupes lors de l’inclusion. Une augmentation des facteurs de la coagulation et de la fibrinolyse a été rapportée après la course mais les taux de facteurs de la coagulation étaient significativement plus bas chez les coureurs ayant porté les chaussettes de compression. Ces recueils de données laissent à penser qu’il existe un effet positif du port de chaussettes de compression lors d’un marathon et 24 heures après la course.

À condition d’être bien délivrées et bien tolérées, le port des chaussettes de compression est une mesure préventive qui devrait prise en considération chez les marathoniens qui doivent effectuer des voyages d’une durée supérieure à quatre heures pour se rendre ou revenir de la course, car on sait que ces voyages activent les facteurs de la coagulation. Leur efficacité devrait en fait être testée en condition réelle en incluant les voyages pour aller et repartir d’un marathon. Des études plus importantes sont également nécessaires en intégrant d’autres facteurs de risque (pilule contraceptive, thrombophilie, voyage de longue durée). Un registre des athlètes ayant présenté une phlébite après une compétition permettrait sans doute de mieux identifier les facteurs de risque favorisants.

Sur la performance

Le port de chaussettes de compression est très répandu chez les sportifs en raison d’un effet supposé sur l’amélioration de la performance et de la récupération. À ce jour, les données publiées sont sujettes à controverse en raison de la difficulté de conduire des études randomisées contre placebo et de l’utilisation de nombre de critères subjectifs pour évaluer les résultats. Les études qui ont utilisé des marqueurs biologiques objectifs des atteintes musculaires (créatine kinase, lactates…) sont peu nombreuses. Il est souvent difficile de conclure car les dispositifs de compression utilisés sont très hétérogènes. De plus, les sports pratiqués ne sont pas comparables.

Les mécanismes d’action hypothétiques des chaussettes de compression dépendent également du temps d’utilisation. Le port de chaussettes de compression est supposé réduire les micro-traumatismes et augmenter le retour veineux durant l’effort et améliorer ainsi les performances [7]. En fait, aucune étude positive ne permet de conclure tant les biais et les conflits d’intérêt sont nombreux dans les études publiées. La seule étude récente publiée [8] est négative. Les auteurs concluent que l’utilisation de chaussettes de compression n’améliore pas le temps de course et ne modifie pas les marqueurs biologiques de l’atteinte musculaire. Ainsi porter des chaussettes de compression lors d’un marathon serait inefficace pour éviter les atteintes musculaires délétères…

Sur la récupération

Lors de la phase de récupération, le port de chaussettes est censé accélérer l’épuration de l’acide lactique, diminuer l’oedème et améliorer l’apport d’oxygène aux muscles. Une méta-analyse récente [9] portant sur 12 études confirme que l’effet sur la récupération est favorable (créatine kinase, douleurs musculaires). Mais les données sur le marathon sont peu nombreuses. Une seule étude contrôlée randomisée récente portant sur la récupération après un marathon [10] a été retrouvée. Cette étude a montré une amélioration de près de 6 % de la récupération (épreuve sur tapis roulant) si les chaussettes sont portées durant 48 heures immédiatement après l’épreuve.

Que retenir ?

Au delà de l’avantage psychologique, il n’a jamais été démontré que porter des chaussettes procure un quelconque avantage sur la performance physique. En revanche, il peut être admis que le port de chaussettes améliore la récupération et préserve l’équilibre coagulation-fibrinolyse. Pour ce faire, il faut que la chaussette soit parfaitement adaptée à la morphologie et la physiologie de la pompe musculaire du mollet du coureur. La pression [11] devrait être progressive (plus faible à la cheville pour augmenter progressivement jusqu’au genou) et de l’ordre de 20 mmHg au mollet. La mesure la plus importante est dans ce cas, celle du mollet au point C (plus grande circonférence). En suivant ces recommandations, les sportifs seront assurés de ne pas être entravés dans leurs performances ce qui est important vu le temps passé à l’entraînement.

Intérêt du port de chaussettes de compression progressive chez le sportif

Jean-Patrick Benigni 

 

Références

1. Tao K, Davenport M. Deep venous thromboembolism in a triathlete. J Emerg Med 2010;38(3):351-3. 2. Frémont B, Pacouret G, De Labriolle A, Magdelaine B, Puglisi R, Charbonnier Exercise deep venous thrombosis: myth or reality? About three cases of pulmonary embolism in long-distance runners. Arch Mal Coeur Vaiss. 2007 Jun-Jul;100(6-7): 519-23. 3. Cerneca E, Simeone R, Bruno G, Gombacci A. Coagulation parameters in senior athletes practicing endurance sporting activity. J Sports Med Phys Fitness 2005;45(4):576-9. 4. Cannegieter SC, Doggen CJ, van Houwelingen HC, Rosendaal FR. Travelrelated venous thrombosis: Results from a large population-based case control study (MEGA study). PLoS Med 2006;3(8):e307. 5. Parker B, Augeri A, Capizzi J, et al. Effect of air travel on exercise-induced coagulatory and fibrinolytic activation in marathon runners. Clin J Sport Med 2011;21(2):126-30 study). PLoS Med 2006;3(8):e307. 6. Zaleski AL, Ballard KD, Pescatello LS, et al. The effect of compression socks worn during a marathon on hemostatic balance. Phys Sportsmed 2015;43(4):336-41. 7. MacRae BA, Cotter JD, Laing RM. Compression garments and exercise: Garment considerations, physiology and performance. Sports Med 2011;41(10): 815-43. 8. Areces F, Salinero JJ, Abian-Vicen J, et al. The use of compression stockings during a marathon competition to reduce exerciseinduced muscle damage: Are they really useful? J Orthop Sports Phys Ther 2015; 45(6):462-70. 9. Hill J, Howatson G, van Someren K, et al. Compression garments and recovery from exercise-induced muscle damage : A meta-analysis. Br J Sports Med 2014; 48(18):1340-6. 10. Armstrong SA, Till ES, Maloney SR, Harris GA. Compression socks and functional recovery following marathon running: A randomized controlled trial. J. Strength Cond. Res. 2015;29(2):528-33. 11. Mosti G, Partsch H. Improvement of venous pumping function by double progressive compression stockings: Higher pressure over the calf is more important than a graduated pressure profile. Eur J Vasc Endovasc Surg 2014;47(5):545-9.

 

Reproduction de l'article avec l'aimable autorisation des "Cahiers de la Compression et de l'Orthopédie"

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